14 juin - 22 septembre 2008

 

"Honnête Tobie, tu regardais dans son œil dans toute la simplicité de ton cœur, et avec l'innocence d'un enfant qui regarde dans une lanterne magique" Laurence Sterne, La vie et les opinions de Tristram Shandy , 1759

Le travail de Laurent Grasso concerne avant tout les images. Dans les deux dimensions, ses films suintent des dimensions enfouies sous les enregistrements et leurs restitutions. En trois dimensions, ses objets et environnements agissent comme des prismes multipliant les images mentales. Présenté à Rochechouart, son Project 4 Brane (collection Frac Ile-de-France) est un dispositif de projection dont le titre se réfère directement avec "la théorie des cordes". Cette théorie qui entend faire la jonction entre la mécanique quantique et la théorie de la relativité générale suppose une vision élargie de l'univers, une acceptation de celui-ci comme une réalité comprenant plus que trois dimensions spatiales. Posé comme un monolithe, ce bloc cache en son sein une salle de cinéma à l'opacité incertaine. De l'extérieur comme de l'intérieur, l'expérience du spectateur est troublée par des jeux de reflets et de transparences.
Invité par le Musée à investir le dernier étage du musée, l'artiste a voulu transformer ces combles en "machine à paysage". Surplombé d'une charpente aux allures de navire renversé, ce grenier du XVIIe siècle sert d'amplificateur à une exposition conçue comme un scénario où sont réévaluées les limites de l'expérience sensorielle. Ainsi, l'artiste nous invite à reconduire une expérience fondatrice dans la constitution du regard moderne en pénétrant dans un sténopé. Ce dispositif ancien, ancêtre de l'appareil photographique, est agrandi jusqu'à devenir une chambre noire dans laquelle le visiteur pénètre pour voir apparaître progressivement le paysage de la vallée surplombée par le château de Rochechouart. Une vision vacillante qui s'accompagne du son enregistré et direct des corbeaux, élément omniprésent du site. Les éléments du paysage alentour y sont reconduits de manière analogique pour pénétrer au sein du bâtiment et chavirer dans la quête d'une innocence truquée.

Laurent Grasso.Sphère 525, 2007. Musée d'art contemporain de la Haute-Vienne, château de Rochechouart. Photo : Freddy Le Saux