3 juillet - 18 octobre 2010

 

Robert Barry, Manon de Boer, Robert Breer, Marcel Broodthaers, Ivan Cardoso - Hélio Oiticica, Alex Cecchetti, Robert Filliou, Jean-Pascal Flavien, Felix Gonzalez-Torres, Raoul Hausmann, Sture Johannesson, Julius Koller, Anthony McCall, Gustav Metzger, Giuseppe Penone, Paul Sharits, Takis.

"La situation de notre monde exige de nous des signaux primordiaux nouveaux : donnons lui satisfaction !", écrivait en 1922 Raoul Hausmann. (1886-1971)

Poursuivies depuis cette époque, les recherches sur la convergence des sens menées par l'artiste culminent à la fin de sa vie avec la publication en 1969 de Sensorialité Excentrique. Edité par Henri Chopin, ce bref ouvrage demande une "civilisation nouvelle ! d'urgence". Il synthétise les travaux théoriques du "dadasophe" sur l'art, et au-delà, son appel permanent à une révolution dépassant les frontières classiques du politique. Pour Hausmann, le bouleversement des sens est synonyme d'un bouleversement des consciences. Un élargissement de la sensorialité ne peut qu'entraîner la remise en cause de l'organisation sociale. Dans la Sensorialité Excentrique, Hausmann s'attaque à une civilisation "européenne" "conservatrice et sédentaire" "Il est devenu urgent de juxtaposer ou de contrefaire cette manière de penser, non par une civilisation herméneutique et magique, mais par une civilisation fondée sur la sensorialité excentrique, qui englobe toutes les races, tous les hommes. Cela signifie le dépassement et l'élargissement de toutes les facultés cellulaires, nerveuses, "aperceptionnelles"", poursuit-il. Critique de la pensée occidentale, la sensorialité excentrique dépasse l'antagonisme entre nature et culture puisqu'elle appelle simplement à lier "idée et matière".
Noyau de l'exposition, les archives et oeuvres de Raoul Hausmann conservées par le Musée (dont une centaine de dessins aux feutres inédits) sont au commencement d'une lecture à la fois subjective et historique d'une oeuvre dont le second mouvement, celui de l'après-guerre, est encore mal connu. Dadaïste à l'époque des avant-gardes néo-dada, Raoul Hausmann est en effet à partir des années 1950 pris dans des échanges et des influences multiples. Le contexte artistique de l'oeuvre de Hausmann dépasse évidemment les liens directs qu'il a entretenus avec ses contemporains. Aussi, le parti pris de l'exposition n'est pas de déceler des filiations, mais de situer une oeuvre et un texte, la Sensorialité Excentrique, dans un environnement propice à sa réception. Ainsi, un ensemble de documents pointe l'inscription des recherches de l'artiste dans le contexte avant-gardiste des années 1960 (Internationale Situationniste, Fluxus).

L'interprétation contemporaine de 4'33", le silence de John Cage, par Manon de Boer (Two Times 4'33") s'insère dans cette proximité tout en créant une dissonance chronologique. De manière plus large, c'est la correspondance entre les thèses de Hausmann avec les travaux d'artistes formés dans les années 1960 qui est au centre de l'exposition. Ainsi les oeuvres d'Anthony McCall (Turning under), Paul Sharits (T,O,U,C,H,I,N,G) ou encore Takis, sont perçues comme une mise en doute des schèmes perceptifs égocentriques traditionnels – cantonnées au "visible" -, tout comme l'appel à une pratique "supra-sensorielle" par Helio Oiticica, ici perçu à travers un documentaire (HO) réalisé par Ivan Cardoso en collaboration avec l'artiste brésilien. Incitation à un élargissement de la conscience, la Sensorialité Excentrique rentre évidemment en vibration avec le climat psychédélique des années 1960 représenté par les affiches de Sture Johannesson.

Enfin, une salle construite à partir de la collection du Musée exprime l'hypothèse d'une collection "excentrique" (Giuseppe Penone, Robert Breer, Robert Filiou, Felix Gonzalez- Torres, Robert Barry) tout en accueillant également une intervention d'Alex Cecchetti.

Robert Barry, "It is incomplete", 1971. Coll Centre National des Arts Plastiques, Paris,