oeuvre d'Aurelien Froment au musée d'art contemporain de Rochechouart


2 juillet - 18 septembre 2011

 

Table de rappel d'Aurélien Froment est un jeu composé de 96 cartes et d'autant d'images différentes. Pour y jouer, l'artiste propose que l'on retourne chacun son tour les cartes deux par deux pour tenter de former des paires. Aucune carte n'étant identique, il faut s'entendre pendant la partie sur les associations possibles ou impossibles. Si des paires peuvent se baser sur des analogies formelles, rien n'empêche qu'elles naissent à partir d'autres justifications, des formes de ressemblances cachées, le jeu des "sympathies" par exemple. "Là nul chemin n'est déterminé à l'avance, nulle distance n'est supposée, nul enchaînement prescrit. [La sympathie] suscite le mouvement des choses dans le monde et provoque le rapprochement des plus distantes", rappelle Michel Foucault dans les pages consacrées à "la prose du monde" dans les Mots et les choses.
Aurélien Froment a été invité par le Musée départemental d'art contemporain de Rochechouart à développer une exposition qui articule des productions récentes (Le Yoga par l'image, Un paysage de dominos, ou encore Fourdrinier Machine Interlude) et des travaux plus anciens (Théâtre de poche, De l'île à Hélice à Ellis Island…), un ensemble constitué depuis une dizaine d'années. Réparties dans cinq espaces, ces œuvres opèrent dans un voisinage qui invite le visiteur à échafauder des ressemblances et à faire l'hypothèse des mouvements communs qui en découleraient. Si les cartes peuvent être retournées sur la table, dans le musée on peut toujours revenir sur ses pas.
Un couloir tapissé de motifs inspirés par le succès populaire des jardins d'enfants de Friedrich Fröbel (1782-1852), fondateur d'une pédagogie basée sur le jeu, distribue les salles de l'exposition. Dans celles-ci se nouent, s'effilochent et se tressent les fils suivis par l'artiste : le bateau, initialement repéré au-dessus d'une montagne dans Fitzcarraldo de Werner Herzog ; la projection, dispositif récurrent dans les recherches de Froment ; les briques, éléments combinatoires qui se dispersent, des jeux de Fröbel à la composition d'un plancher ; le projet de ville d'Arcosanti construit par Paolo Soleri depuis les années 1970 et vers laquelle Froment revient régulièrement ; les ressources, qu'il s'agisse du répertoire iconographique de l'Archipel ou des pages vierges de l'agenda 2030. Au centre, une salle de projection met en scène, selon un principe similaire, la production vidéo de l'artiste. Évidemment aucune œuvre ne saurait se limiter à une catégorie.
Là où le musée aimerait imposer une vision rationaliste sur une œuvre, pouvoir la dérouler dans sa continuité en marquant des chapitres correspondant à des espaces, la proposition d'Aurélien Froment est contraire. Discontinue, elle est structurée par des similitudes.
Aurélien Froment est né en 1976 à Angers, il vit et travaille à Dublin. Il est représenté par la galerie Marcelle Alix (Paris).

Vue d'exposition. Musée d'art contemporain de la Haute-Vienne, château de Rochechouart. Photo : Aurélien Mole